Nous roulons, et parfois dormons, au rythme des clochers des églises. Partout l’on entend sonner les cloches. Toutes les heures évidement, mais souvent également tous les quarts d’heure - avec une variation de carillons. 

Antoine, jeune Ardéchois descendant lui aussi l’Italie à vélo, nous accompagne sur la route des Cinque Terre. Notre pauvre ami semble avoir la guigne - il enchaîne les problèmes techniques. Il peut avoir des moments de grâce : en l’espace d’une heure il casse la béquille de Faustine, un arceau de sa tente et perd ses sardines. La recherche de solutions le mène dans des situations désagréables comme se taper 30 km d’aller-retour pour remplacer son arceau de tente fracturé, et s’apercevoir le soir au montage qu’il est 40 cm trop court. 

Ceci ne nous aide pas à être rassurés un soir quand un violent orage éclate (le couple des crayons disait vrai...). Dans notre hâte et notre joie de trouver un endroit où monter la tente nous ne nous apercevons pas que l’emplacement comporte quelques faiblesses face à la foudre : nous sommes en hauteur sur une colline pelée, sous les deux seuls arbres du secteur. Notre tente se tord sous les rafales et nous tremblons avec le tonnerre. Pas la peine de préciser que nous n’avons pas vraiment dormi sur nos deux oreilles, mais finalement la guigne d’Antoine ne nous tombera pas dessus.


Les Cinque Terre sont 5 villages pittoresques accrochés à flanc de montagne, en bord de mer. Comme camp de base pour s’y balader, nous sommes hébergés deux nuits dans l’arrière pays par un drôle de personnage. Raul a les yeux de Roberto Benigni et la barbiche de Raspoutine. Sa maison est un capharnaüm où « le ménage laisse à désirer », toujours ouverte aux voyageurs de passage comme aux réfugiés. Les murs sont peints de ses propres fresques et de celles des artistes passés par là, au plafond sèchent les branches de « canabis sans THC » vouées à terminer en tisane. Il est le genre de personne à pouvoir tenir toute une soirée à parler sans avoir besoin d’être relancé, et y trouver son compte. Nous sommes le genre de personne à pouvoir passer une soirée à écouter et y trouver notre compte. De fait, un solide équilibre s’installe : il parle, nous écoutons, et tout le monde passe du bon temps. Raul est est un ancien mime de rue, il est sculpteur, peintre, écrivain, il fut éducateur en hôpital psychiatrique et semble lui-même curieux d’explorer sa propre (douce) folie. Il est radicalement de gauche mais d’un constant pessimisme. Il est avant tout d’une grande gentillesse et nous espérons qu’il trouvera la vie communautaire dont il rêve (autre que dans ces « cazzo d’éco-villages esclavagisant des citadins aliénés »).