Apprenons de nos erreurs! Nous nous arrêtons dans un village pour demander où planter la tente. « Bien sûr venez par ici, vous pouvez mettre votre tente à côté de la maison! » Nous sommes à deux jours de Noël et les familles sont réunies. Plus ou moins tout le monde semble participer à une cuite générale. 

« On irait pas au village boire une bière tous les deux au calme? » se demande-t-on bien naïvement. Évidemment tout une fine équipe nous accompagne. Au centre du village, sur la rue principale, les devantures indiquent des magasins respectables : quincaillerie, coiffeuse, pharmarcie, ... Mais, suivant nos guides du jour, nous passons cette façade pour s’enfoncer dans un dédale de bistrots, où hommes et femmes s’entassent dans des pièces sombres pour picoler de l’alcool fort avec la musique à fond. Eh oh tout le monde est saoul ici ou quoi? On prend donc part aux festivités, et on se retrouve à avoir payé une tournée à tout le quartier sans même s’en être rendu compte. 

« Tout le monde ici est très excité de vous avoir!! » Oui on s’en était aperçu, l’ambiance est électrique, joyeuse et assourdissante. On crie, on rie, on passe beaucoup de temps à s’assurer que les deux wazungu (blancs) « feel safe », que l’on est content d’être ici, que l’on « feel comfortable » . Les discussions tournent principalement autour du Kenya, de l’Afrique et de la couleur de peau, souvent au travers de questions métaphysiques « Combien un homme blanc peut il boire de bières de 1 litre à la suite? » (pour info un homme noir, c’est dix). Nous sommes baptisés avec des prénoms kikuyu* : Njui (un homme brave) et Wamboi (un femme très belle, mais attention humble et qui ne va pas à droite à gauche avec tous les hommes). On nous promet d’égorger une chèvre pour nous le lendemain « c’est notre tradition, si on a des invités pour Noël on tue une chèvre, on fait un festin et une grande fête, demain vous restez. » Malheureusement notre programme est trop serré et on doit décliner la proposition une bonne 50aine de fois. Nous demandons à rentrer à la tente, esquintés, rêvant à s’effondrer au calme dans nos duvets. À côté de la tente les jeunes ont allumé un feu. « Si on égorge pas de chèvre demain on fait au moins de la viande ce soir » et nos hôtes reviennent avec plusieurs kilos dans les bras (et 1L de liqueur). Wamboi est sommée de faire bouillir la viande dans un récipient sur le feu (c’est comme ça, bouillir c’est pour les femmes) alors que Njui devra par la suite rôtir la viande sur le braise (ça par contre c’est un truc d’homme). Ce dernier se fait régulièrement rappeler à l’ordre pour son manque de concentration mais la viande finit tout de même par être prête. La moitié sera pour les invités, l’autre à se partager entre toute la famille. La viande est résistante comme du cuir, fileuse et fade, nous vivons un (joyeux) calvaire, essayant d’en refiler à droite à gauche à tout ceux qui veulent bien se laisser corrompre (et heureusement ils sont nombreux car toute la famille semble se régaler et se prive pour nous). Quelques bouts longuement et âprement mâchouillés finiront même dans un buisson après une escale secrète dans la poche de Wamboi.

On finit par trouver le moyen de fuir dans notre tente (en promettant de finir la viande au petit dej’ - on n’a pas pu aller au bout malgré toutes nos ruses). Au matin, Wamboi est réquisitionnée pour préparer un petit déjeuner à la française avec les autres femmes de la famille. Si les hommes sont dehors en train d’attaquer à la bière, les femmes en cuisine se chauffent à la gnôle et au Baileys. Pour nous il est grand temps de reprendre la route!


 * ethnie majoritaire au Kenya vivant autour du mont Kenya et Nairobi, soit la zone que nous visitons. Par extension, le kikuyu est la langue parlée par les Kikuyus!