Passage de frontière 


Nous arrivons à la frontière du Malawi avec nos tests covid en poche. Nous avons passé une journée à l’hôpital et payé une fortune pour des tests qui visiblement se révèlent toujours négatifs. Qu’importe, cela nous permet d’être en règle, et nous pourrons ainsi avoir nos visas sans encombre à la frontière.


On se pointe donc au bureau de l’immigration confiants - comme souvent un peu trop. « Plus de visa délivré sur place » nous assène l’officier. On discute, certains qu’il y a moyen de s’arranger. Mais nous sommes face à un incorruptible - ou alors dit-il vrai, ils n’ont plus les moyens de délivrer de visa à la frontière terrestre. Il faudra faire une demande en ligne, qui ne sera traitée que deux jours plus tard car nous sommes samedi.


Nous nous attelons à notre demande en ligne. Paiement refusé. Avec nos deux cartes bancaires, et aussi celles des parents en France. Il doivent avoir un problème avec leur système, reste à attendre que finisse le week end pour avoir des interlocuteurs.


Lundi première heure, de retour au bureau de l’immigration. Nous exposons notre problème. « Hmmm je vois, tout est en ordre, vous avez tous vos documents, vous avez l’argent, mais vous ne pouvez pas payer.... C’est un problème. Attendez ici, je vais chercher mon responsable. » Le bureau n’est pas débordé : deux-trois tampons dans la journée pour toute l’equipe, le reste du temps ça blague et ça joue sur son smartphone. Deux heures plus tard le responsable se pointe «  Hmmm je vois, tout est en ordre, vous avez tous vos documents, vous avez l’argent, mais vous ne pouvez pas payer.... C’est un problème. Attendez ici, je vais chercher mon responsable. » A ce rythme là, la journée est vite passée. Quand on voit que tout le monde est sorti du bureau pour se planter devant un match de foot à la télé on se dit que c’est peine perdue pour ce soir. On reviendra demain.



Mardi. On commence à se sentir chez nous à Songwe Border. Les loustics qui font du change au marché noir ne nous sautent même plus dessus. Drôle d’endroit que ces frontières, où tout un tas de types plus ou moins louches font tout un tas de business plus ou moins louches. Ici la route n’est pas goudronnée - ce qui en pleine saison des pluies implique flaques et boue. Des motos attendent aux endroits critiques pour faire traverser les piétons soucieux de leur propreté. Des chèvres errent à droite à gauche, sans soucis des lourdeurs administratives, disputant aux poules les déchets souillés de terre. Un homme à qui nous demandons quelle est son occupation nous indique « Vous savez c’est une frontière ici : tout peut arriver. Je prends ce qui se présente, ça change tous les jours. »

Au bureau de l’immigration, nous entrons avec un objectif : avoir un responsable de la capitale au téléphone. Nous passons la matinée à discuter avec les uns et les autres, expliquant toujours la même chose et ayant les mêmes réponses. Nous commençons à connaître tous les agents qui s’amusent de nous voir ici. L’une d’entre elle, en riant « soyez tolérants, nous sommes un pays en développement ! »

Nous finissons par décrocher un numéro de téléphone, la responsable des visas à la capitale. « Ok je vais voir ce que je peux faire. J’ai une amie qui a une carte bancaire du Malawi. Elle peut payer pour vous et vous nous faites parvenir l’argent ». Wouhou! On donne le cash au guichet, ils s’occupent de l’envoyer à Blantyre, nos visas sont payés. Reste qu’à attendre l’acceptation de la demande.


2h plus tard la femme nous rappelle. « Monsieur Kumbukani Mtawira est bien votre hôte au Malawi ? La lettre qu’il vous a fournie ne convient pas, je vais l’appeler pour lui signifier » Oups, nous avons un problème. Dans les documents demandés figure une lettre de l’hôte, que nous avons écrite et signée nous mêmes à la place de Kumbukani. Ne connaissant pas son nom de famille, nous avons improvisé. 


Mme Mtanda discute avec Kumbukani. Celui-ci nous expose les griefs de Mme Mtanda et nous refaisons les documents à sa place. Mme Mtanda revient de nouveau vers nous pour nous dire tout ce qui ne va pas dans ce que dit et fait Kumbukani. Elle le rappelle - et c’est reparti pour un tour. Ces deux là ne sont probablement pas faits pour s’entendre. Mme Mtanda, rigide, arbore comme photographie de profil what’sapp (moyen de communication pour ces échanges) une image de jésus avec la légende « God is the answer » . Kumbukani, souple, arbore une image de lui sentant une feuille de canabis avec la phrase « Jah comes first in everything ».

Malgré tout, en fin de journée nous finissons par recevoir de Mme Mtanda le message suivant « Votre visa est approuvé bien que les informations et documents donnés ne soient pas suffisants. »


A l’aube du sixième jour, nous sommes au Malawi.