Voilà 7 mois que nous sommes sur les routes de l’Afrique Australe, et c’est déjà l’heure du bilan. Un bilan qui sera forcément composé de raccourcis et de généralisations, un bilan à gros traits. Car au cours de nos pérégrinations nous avons évidemment rencontré d’importantes différences entre les pays, entre les tribus, entre les villages, entre les familles, entre les personnes, .... Nous souhaitons tout de même ici essayer de vous partager quelques unes de nos réflexions générales.



Nous étions arrivés sur le continent sachant ne rien en savoir, mais avec tout de même de nombreuses images en tête. Nous repartons évidemment avec des idées bien différentes et le sourire aux lèvres lorsque nous repensons à nos craintes passées.


Nous avons rencontré un accueil très intense : chaleureux, curieux, sincère. Surtout, partout où nous sommes passés, nous avons trouvé des gens réellement heureux de nous voir, de nous avoir chez eux, de pouvoir nous aider. Parfois avec une fascination ou une idéalisation de ce que nous sommes. Parfois - rarement - en espérant recevoir quelque chose de notre part. Pensons qu’il y a cinquante ans, cette partie du monde se défaisait d’un siècle de colonisation blanche, et qu’aujourd’hui encore une grande partie des richesses de ces pays sont accaparés par les nôtres ou par la Chine, l’Inde, ... Pensons également que nous considérons ces pays comme “non développés”, et que nous leur rappelons dès que nous le pouvons. Nous aurions compris de recevoir un accueil méfiant, un accueil intéressé, voire de recevoir des cailloux. Mais avouons que nous avons aimé recevoir tant de sourires!


Nous avons vu des sociétés où les valeurs traditionnelles sont très fortes et où l’individu ne prime pas. Il n’est pas question de penser que chacun doit pouvoir accomplir ce qu’il désire : une vie sera contrainte par le genre, la position sociale, la position dans la famille, etc. Une femme aura des enfants et s’occupera du foyer, un homme obéira toute sa vie à son grand frère, les aînés seront toujours écoutés, .... Nous avons été particulièrement impressionnés par les enfants, tellement sages, obéissants, serviables, respectueux de tous leurs aînés. Disons que dans le cas contraire ça ne rigole pas. Il n’est pas envisageable de faire un caprice : le mot ne doit probablement même pas exister. Loin de notre idéal occidental où chacun doit pouvoir réaliser ses rêves, ce fonctionnement où prime la communauté et une organisation pré-établie nous est apparu comme ayant également de nombreuses richesses : une grande sérénité dans les rapports entre les gens, une grande cohésion dans les familles et les villages, pas de personnes laissées seules dans la misère, ... Il n’est pas question ici de dire que cela est mieux ou moins bien que notre mode de vie, notre société. Nous avons simplement pris conscience que d’autres fonctionnements existaient. Que nos valeurs et notre morale, notre manière d’envisager le monde n’avaient rien d’universelles et surtout n’étaient pas supérieures : simplement différentes.


Nous avons rencontré des vies très simples, au jour le jour, sans sécurité quant à l’avenir : une sécheresse et tout peut basculer. Des vies sans hobbies, sans eau courante et sans électricité, des vies où l’on va tous les jours aux champs. Des vies dehors, tous ensemble, pleines de bonne humeur, de joie de vivre et de rigolade. Favorisé par le climat doux, l’absence de confort et de télévision dans les maisons, les gens sont ensemble tout le temps, des enfants jusqu’aux aînés. Malgré une vie rude et simple nous avons été submergés par la gentillesse et la bonne humeur que nous avons si souvent rencontré.


Nous avons été surpris par le rapport au temps, si différent du nôtre. Nous qui avons tant d’objets nous facilitant la vie mais pourtant toujours si occupés, le nez sur le chrono! Sans l’océan de distractions que nous connaissons en Europe, une partie de l’existence est passée à attendre. Loin des calculs de rentabilité et des grilles horaires : si le bus part à 15h au lieu de 8, personne ne pensera à ronchonner.


Une phrase qui revient régulièrement dans la bouche des blancs expatriés: “En Afrique, tout est possible!”. Nous aurions tendance à compléter “ Avec notre puissance financière immense par rapport à l’essentiel de la population, tout est possible!” Cependant, il est vrai que jamais rien n’est exclu. Il faut voir. Peut-être. On va trouver une solution. Ici on ne réfléchit pas dans des cases, avec des normes ou en écrivant de lignes de contrat devant notaire. On s’arrange, on bidouille, on se tape dans la main et on se fait confiance, on force un peu quand ça passe pas : ça finira par passer. On discute, longtemps, on négocie, on fait des concessions. Un non n’est jamais définitif et on finit par trouver un accord. Et si l’accord ne vient pas, on demande à un aîné de venir arbitrer.


Nous avons parfois discuté avec des Africains dévalorisant leur culture, leur mode de vie, nourrissant un sentiment d’infériorité et nous mettant, nous les occidentaux, sur un piédestal. Nous aimerions leur dire combien ils se trompent, combien ils peuvent être fiers de leurs traditions, de leurs savoirs, de leur force. Et combien tout n’est pas si rose chez nous. 


Nous n’avons vu qu’une petite partie du continent, peu de temps, de notre point de vue restreint de blancs voyageant à vélo. Mais nos pensées envers l’Afrique auront changé : ce sont aujourd’hui des pensées chargées de bonheur et d’admiration.