Roulant à bonne allure sur une piste secondaire en limite du désert du Namib et ses dunes de sable rouge, nous devisons sur notre bonne étoile. Une fois de plus, comme toujours depuis notre arrivée en Afrique, les choses ont bien tourné. 

Coincée entre dunes et montagnes, la piste est particulièrement sableuse, et même impraticable sur de longues portions. On pousse alors nos bécanes, en s’enfonçant à chaque pas et en grommelant. Hier nous avons beaucoup poussé, roulé un peu, pesté pas mal. 15 km de sable nous ont paru une éternité et nous savons qu’il nous en reste le double.

Le ciel est couvert, c’est la première fois que ceci nous arrive en Namibie, et une rareté dans ce coin désertique. Après le montage de la tente, le temps tourne au vilain. On se cuit un steak d’oryx en vitesse avant de filer à l’abri en attendant le déluge.

Ce ne sera finalement qu’une petite pluie fine suivie d’un grand froid. La tente au matin craque de gel, longtemps après le lever du jour. Nous repartons sous un ciel redevenu bleu uni et, miracle de la physique, le sable tout juste humidifié porte nos roues. Nous faisons les 30 km d’une traite avant que le sable n’ait eu le temps de sécher. Notre bonne étoile brille donc, alimentée par les prières de nombreux Africains, et bien sûr les pensées de nos proches (c’est évident).


Nous devisons, lorsque nous franchissons un escarpement. En haut nous attend une petite brise, qui nous souffle dans le nez. Peu à peu la brise devient vent. Et lorsque la fin de journée approche, ce sont de grandes rafales qui nous buffent dans les ratiches, nous contraignant à monter le camp plus tôt que prévu : rien ne sert de s’épuiser, nous continuerons demain quand l’air se sera calmé. D’expérience, le vent tombe peu après le coucher du soleil.


Nous arrivons tant bien que mal à allumer un petit feu, mais c’est peine perdue de vouloir s’y réchauffer : les rafales dissipent la chaleur avant qu’elle ne nous atteigne. On file dans la tente qui se tord, se plie sous les coups de boutoirs. D’expérience, ça tiendra, on peut dormir tranquille. Mais pas facile dans ce vacarme. La tempête prend de l’ampleur. Quelques secondes avant chaque secousse, on entend cavaler le vent dans la montagne, qui vient nous tomber dessus à bras raccourcis. Ça ne manque jamais, quand ça résonne dans la falaise c’est qu’on est sur le point d’en prendre une bonne. Faustine, dont la tête est dans l’angle nord-est de la tente, est en première ligne pour recevoir les coups des arceaux qui ploient. Cela a le mérite de la tenir bien éveillée, aux aguets, prête à bondir quand à trois heure du matin CHTING une sardine est arrachée. « Oulala il faut faut faire un truc la tente s’arrache » CHTING CHTING CHTING CHTING « Il faut même faire ce truc très très vite » On sort replanter les sardines : l’une tient la toile contre le vent (pas une mince affaire), l’autre cloue. À l’aide de filins, on amarre les faces de la toile à de gros rochers.


Le sable s’infiltre partout, sous la toile, par les aérations qui ne tiennent plus fermées. Faustine continue sa partie de punching ball avec les arceaux. Bien réveillée est-elle donc, lorsqu’à 6h du matin CHTOIOOONG « Oh merde, y’a un filin qu’a p’té! » CHTOIOOOONG CHTOIOOONG CHTING CHTING CHTING CHTING « Merde merde merde faut faire un truc! » Rebelote, en rajoutant des rochers partout où l’on peut. On se frigorifie à l’extérieur, et notre abri tiendra bien deux heures de plus. Alors on décide d’attendre que le soleil soit sorti avant d’essayer de plier les gaules.


C’est une mauvaise décision, un choix foireux dicté par une certaine fatigue ou un optimisme trop poussé. Telle la chèvre de monsieur Seguin, notre tente qui s’est tant battu toute la nuit durant FRIIIITSCH se fait éventrer au petit jour. Faustine a fini par abandonner le combat et vient de s’assoupir. « Ohé debout il faut qu’on parte : tout de suite » FRIIIITSCH « oh non ça se déchire de mon côté aussi », réplique Faustine, la gueule pleine de sable. On sort en trombe, PAAAAW l’arceau central qui pète, suivi aussitôt de FRIIIITSCH (vous connaissez : toile de tente) notre toit qui se fait lacérer par l’arceau furieux. On bourre tout dans les saccoches. Il s’agit de ne rien laisser traîner sinon ZIOUFF comme cette bouteille en plastique qui part plus prestement qu’un springbok devant le leopard (pas la peine de préciser qu’elle ne roule pas : elle vole). Charger les vélos ne souffre pas plus la déconcentration : VLAAAM le voilà qui se renverse lourdement CRRAAAC le casque accroché au guidon qui se fend.


Les bourrasques ne faiblissent pas, mais le vent souffle maintenant de côté. Heureusement nous avons la piste pour nous tous seuls, soit 6-7 mètres de large pour faire des écarts, ce n’est pas de trop. Parfois il est impossible de contrer, on se fait emporter à 90°, droit dans le décor. Quelques chutes émaillent notre progression (lente, la progression). Nous devons régulièrement descendre des vélos pour pousser, car pas moyen de tenir dessus. Et là encore ZWIIIP Robin se fait arracher le vélo des mains, VLAAAAAM retourné comme une crêpe GLIIING le rétroviseur qui prend sa juste part.


TRAAAC le mât du fanion (pourtant mis en berne) qui se fait cisailler net. Faustine à l’avant se prend pour Golgoth dans la Horde du Contrevent et hurle contre ce dernier, en contrant hardiment. Ses propos ne seront pas retranscrit, car trop vulgaires.


Nous avons deux jours de vélos jusqu’au prochain village. Un nouveau problème se fait jour dans nos esprits. On pourrait dormir à la belle étoile, en tentant de s’abriter si le vent de faiblit pas. Oui mais . . . Il parait que dans une tente pas de risque de se faire croquer par une hyène. Par contre il se dit qu’un jour un type qui s’était endormi en dehors de la sienne (avait-il forcé sur le Brandy?) a finit en tas d’os. Un autre qui avait laissé ses jambes dehors (avait-il trop chaud aux pieds?) s’est réveillé cul-de-jatte. On ne veut pas connaître le bien fondé de ces rumeurs, alors il va falloir faire deux journées en une.


Et notre bonne étoile dans tout ça ? Peut-être aveuglé par le clair de lune, nous l’avons temporairement perdue de vue. Et pourtant! Il faut savoir toujours la chercher! Après 5 km de lutte, nous débouchons sur une plus grosse piste. Virage à 90°. Tempête au cul, on file comme des bombes jusqu’à notre village étape.