Après trois belles semaines en compagnie de la petite sœur, nous reprenons nos montures et repartons le cœur léger. (le porte-feuille aussi)


Passant devant une petite église de bord de route dimanche matin, nous apercevons de l’animation :  on a l’air de s’amuser là dedans! « On irait pas jeter un œil ? » « Pourquoi pas, mais c’est le coup a y rester coincé des plombes » « Boah allez on tente! » 


Le pasteur sort de l’église pour nous accueillir, tout le monde nous fait place dans la petite pièce. À la fin du chant, on fait circuler des enveloppes pour la quête « Flûte j’ai pas mes sous » « Zut moi j’ai que quelques centimes » (voyez comme nous sommes attentif à notre langage dans les églises). Nous nous retrouvons à glisser honteusement nos maigres piécettes alors que nos voisins glissent des billets. Gling Gling la seule enveloppe qui tinte c’est celles des deux wazungu rapiats.

C’est le moment des témoignages. Une femme prend la paroles et le pasteur essaie de nous faire la traduction en direct. Très vite l’intensité du témoignage est telle qu’il ne peut plus suivre. Après acclamations, une seconde femme prend le relais et finit en pleur.

Deuxième quête. Ce coup ci on est coincé : il faut passer devant tout le monde et on n’a plus un shilling. Robin part chercher le portefeuille dans la sacoche du vélo à l’extérieur. Quand il revient, toute la salle est passée et n’attend plus que sa participation. Mais Robin, qui se voit au centre des attentions, croit que tout le monde l’a attendu - et que cette seconde quête marque la fin des réjouissances. Pensant avoir le rôle du leader qui guide la foule hors de l’église, il pause fièrement un billet dans la panière et sort d’un pas assuré sous les yeux incrédules des fidèles. La salle le regarde et se marre, un peu gêné : mais que fait ce nigaud de blanc? On dépêche un vieux anglophone à sa rescousse. « Pourquoi t’es sorti mon vieux, tu veux partir ? » « Ah nononon je croyais que c’était fini et que tout le monde allait me suivre» « Bon visiblement tu ne comprends pas tout ce qui se passe, vient te mettre à côté de moi je te brieferai ». Retour dans l’église sous les rires de l’assemblée.

Chants à nouveau. On accompagne en tapant violemment les pieds au sol. « Là on écrase le diable » certain frottent la pointe de leur semelle au sol, comme pour éteindre un mégot imaginaire « maintenant on écrase un alcoolique » puis l’on se met à sauter « là on écrase le sorcier ».

Les chants sont entrecoupés de prêches enflammés - pourrait-on dire possédés ? - du pasteur, prenant une voix d’outre-tombe, mimant les scènes, courant, s’asseyant, et jouant même, lors d’un curieux passage, de la air guitar ( allez savoir pourquoi ).

Nous sommes dans un moment calme. On chante gentiment Karibu Yesu (bienvenue jésus) tous en cœur, en se tapant les uns les autres dans les mains. Tout à coup, une des femmes se met à se lamenter, à pleurer de manière outragée. Petit à petit, toute l’assemblée abandonne le chant pour les lamentations, les cris, les pleurs. Le pasteur entame un prêche en fond. Des femmes sont à terre et hurlent, d’autres prostrés se lamentent à voix basse. Un homme, particulièrement impliqué, s’en prend violemment à un mur de l’église.


Fin de la messe à 14h30. Le pasteur nous demande de rester pour une petite séance de prière privée. À côté, des femmes ouvrent les enveloppes de la quête. Gling Gling il y en a une qui tinte, c’est celle de ces deux grippe-sou de wazungu - on ne sait plus où se mettre.


Une femme nous invite chez elle à la sortie de l’église. Nous acceptons bien volontiers : notre journée de vélo est déprogrammée depuis longtemps. Nous la suivons jusqu’à une petite maison où s’ébattent des poules et d’innombrables cochons. « Bienvenue chez moi, vous m’honorez d’avoir accepté mon invitation. Je vous donne un seau d’eau pour vous nettoyer un peu, avec cette chaleur on sue beaucoup ». Peut-être qu’à force d’etre sur la route à vélo on ne se rend plus compte de notre propre odeur? On se rassure en se disant que ça doit être une marque de politesse, le coup du seau d’eau.


« On serait honorés de vous offrir à manger, peut-on vous préparer quelque chose ? » Il est 16h et nous n’avons rien avalé depuis le petit déjeuner. A peine avons-nous accepté l’offre de bon cœur que les bambins sont dépêchés dans la cour et couik! un poulet. Ébouillanté, plumé et mijoté, le voilà dans notre assiette pour un grand festin.