Nous entrons en Namibie par la région Caprivi. C’est une étroite langue de terre de 450 km de long au nord-est du pays, relique d’un bon vieux temps où les puissances européennes jouaient au Risk avec l’Afrique. « Vas-y tu m’échangerais pas Caprivi contre Zanzibar? » lance l’Allemagne à l’Angleterre qui lui répond avec sa condescendance habituelle « T’es ouf, j’en veux pas de ton Zanzib’ » . Et l’Allemagne de renchérir « Allez steuplait, si je rajoute les îles dans la mer du Nord là, ça le fait? » Marché conclu. Cette étroite bande de terre, le manche de casserole, permettait un accès au Zambèze depuis la Namibie. Cette bizarrerie géographique est restée partie intégrante du pays après le départ des Allemands. Et ce malgré une culture Lozi qui la rattacherait naturellement à la Zambie. Une importante fraction de cette région est constituée d’un parc national, où vadrouillent notamment de nombreux éléphants quand ils se baladent entre l’Angola et le Botswana. Nous devons le traverser sur 200 km.

Des policiers nous arrêtent sur la route, l’air pas commodes. « Vous allez où? » « Whindoek » « Ah vous croyez que vous allez pouvoir traverser le parc à vélo ? » « Oui c’est le plan! » « Oh non. They will finish you, the elephants. »

Le soir, avant de rentrer dans le parc national, nous sommes accueillis par une famille Lozi. L’un des frères, pas avare en bonne histoires, nous raconte : « Un jour un touriste a croisé un lion. Il a du penser que c’était un chien : il s’est arrêté prendre une photo. Prendre une photo! Les suivant qui sont arrivés n’ont trouvé qu’une marre de sang. Ne vous arrêtez pas prendre les chiens en photo. »

Voilà qui nous incite à réviser nos procédures d’urgence :

  • Éléphant : s’inquiéter s’il agite les oreilles. Vitesse de pointe : 25 à 30 km/h - on peut le semer à vélo.
  • Buffle : peu de risque en troupeau, le danger vient des mâles isolés - ils peuvent charger sans sommation. Laisser le vélo et se jeter dans un fossé où il ne peut nous encorner. Ou tenter l’esquive. Ou grimper dans un arbre.
  • Lions et léopards : Ne pas les regarder dans les yeux. S’ils attaquent, bon avouons que là c’est mal embarqué. Mais ne pas s’avouer vaincu d’avance : faire du vacarme pour les effrayer. Nous sanglons à cet effet nos casseroles à portée de main, pour pouvoir les dégainer et faire des percussions quand le lion bondit.
  • Hippos et crocos : normalement sur la route on devrait pas être emmerdés non?
  • Dans tous les cas le plus important, rester ensemble et com-mu-ni-quer!


Le premier jour nous croisons beaucoup d’antilopes, des singes, des girafes, des zèbres : rien de bien féroce. Nous dormons dans un petit village au milieu du parc. Nos hôtes nous font un feu à l’africaine. Les longues bûches sont posées sur le sol en étoile avec un petit foyer au cœur, sur lequel on peut aisément cuisiner. Pour allumer le feu, on arrache un bout du toit de chaume de la maison, puis on avance les bûches au fur et à mesure qu’elles se consument. Un crieur passe, faisant des annonces que Moses nous traduit : « il y’a a un rassemblant demain au village, à 11h. Ah non, ça a changé, c’est 18h. Eh bien en fait 10h? » En tout cas c’est demain. La nuit tombe, des bœufs passent tirant sur le sable une plaque de tôle. Dessus, comme sur un traîneau sont postés 4 gamins qui ne sont pas avares en méchants coups de trique pour faire avancer l’atellage. Les poules du village, pour passer la nuit en sûreté, montent dans les branche de l’arbre sous lequel nous avons monté la tente. Le coq, ce gros empoté, rate sa branche, atterri sur notre tente, panique, nous fait un joli trou. Au coin du feu on finit par poser la question qui nous brûle les lèvres. « Mais alors, vous qui vivez dans le parc vous devez pouvoir nous dire : les lions ils mangent souvent des gens? » « Hmmm je sais pas. Mais ce qui est sûr c’est qu’ils aiment la viande, alors vous ne pouvez pas leur faire confiance.»

Le lendemain nous ne verrons pas la queue d’un lion ni même la trompe d’un éléphant. Au campement le soir Robin trouve un coquillage dans la tente. « Eh bien c’est quoi ce truc? » Faustine de répondre « Mais c’est le coquillage porte-bonheur offert par Jo mon petit neveu, enfin! » « Ah mais oui bien sûr, où avais-je la tête... » « D’habitude je l’ai dans ma sacoche mais là depuis deux jours . . . je l’ai mis dans ma poche. Histoire d’être sur qu’on se fasse pas attaquer. »

Tout s’explique !