Après être montés sur le grand rift, nous traversons le plateau central Tanzanien. C’est l’ancien royaume de la mouche tsé-tsé et sa maladie du sommeil, qui rend fou hommes et bêtes. Elle semble éradiquée ici depuis quelques années, mais il en résulte une zone très peu densément peuplée par rapport à ce à quoi nous sommes habitués. Une zone de marécages et de route en ligne droite.

Seuls viennent égailler nos journées quelques petits villages et camarades cyclistes transportant du charbon de bois, de l’eau, du grain ou des êtres vivants : poules, hommes, femmes, enfants. N’appréciant que très modérément de se faire doubler (surtout par une petite blanche allongée sur sa selle) ils placent un coup d’accélérateur à notre passage et nous accompagnent sur de longs kilomètres.

La monotonie est rompue lorsque le bitume s’arrête pour laisser place à une piste en terre rouge malmenée par les pluies, les camions et les jeeps. La voie praticable est souvent étroite et ces derniers sont pressés : à nous de leur faire place. Faustine se sentant régulièrement monter l’héroïsme de David contre Goliath, reste sur la voie. « Mais qu’est-ce qu’il fout ce con avec ses quatre roues motrices il peut pas rouler à gauche comme tout le monde?! » (on croirait voir son père au volant du Picasso). Mais les conducteurs de jeep sont têtus et les lois de la physique nous sont trop défavorables, nous finissons invariablement par nous enfoncer de mauvaise grâce dans la boue du bas-côté.

Pour la première fois depuis des semaines nous apercevons des gens avec des masques. Que se passe-t-il ? En s’approchant nous voyons deux chinois, qui doivent diriger le chantier de construction de la route asphaltée. Visiblement, le coup du « On a bien prié, et dieu nous a épargné du covid » ne les a pas convaincus. Les chinois, comme un peu partout en Afrique, financent et construisent de grandes infrastructures à travers tout le pays. Les mauvaises langues disent que les prêts sont irremboursables pour les états Africains, qui finiront donc par devoir laisser l’exploitation de ces infrastructures aux chinois.

D’autres estiment que c’est une chance inespérée d’avoir l’appui du géant pour le développement économique du continent.